30 décembre 2017

Solitude et vent capricieux

"Le soir, la rue était comme écroulée sous les déchets accumulés tout le jour. Une petite brise à peine sensible entraînait sur la chaussée un sac en plastique. Il tombait contre l'asphalte, venait mourir, à bout de forces, comme s'il rendait son dernier souffle, mais juste après, soudain, reprenait vie, gonflé comme une taie d'oreiller, partait çà et là, heureux de pouvoir encore jouer un peu, folâtrer. Vous avez cru que c'en était fini de moi : «Il n'est plus bon à rien » ? Non, je faisais semblant. On peut croire qu'il nous a bernés, le coquin. Pourtant, ce n'est pas lui qui jouait, c'est lui qui était le jouet, lui que les courants invisibles de l'air ne laissaient pas en paix et traînaient sans lui demander ni lui expliquer où." 

Mark Kharitonov – "Projet Solitude" (Fayard, 2010)
(traduit du russe par David Gayraud)


Les ingrédients réunis de ce roman sont potentiellement le sujet d'un très bon livre, j'en suis néanmoins sorti avec un sentiment mitigé. L'idée du double de l'écrivain dans la fiction accroche, mais la narration est parfois confuse. Des idées affleurent, tentent de s'imposer puis s'envolent comme ce sac en plastique sous la brise. Manque de liant ? Une critique féroce (lintern@ute) met la traduction en cause. 
N'en déplaise à ce commentateur, les réflexions sur les cruelles impasses, littérairement fructueuses, de la vie affective de Kafka touchent au cœur de la solitude. Soulignons encore des citations incisives pour illustrer la supposition que les gens se rencontrent pour se distraire d'eux-mêmes : "C'est la peur qui nous rend amis" (Beckett) et "La solitude c'est l'homme au carré" (Brodsky).
Kharitinov est un nom important de la littérature russe contemporaine, alors faisons le projet d'y revenir.


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